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Memel: adm. française

 


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Le territoire de Memel


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Memel sous "protection"
et administration française (1920-1923)

Memel (dont le nom actuel lituanien est Klaipėda) est LE port lituanien sur la mer Baltique. Le site était a priori déjà occupé dès le 1er siècle avant Jésus Christ.

L'histoire de la ville et du territoire (Memelland, Memelgebiet) est étroitement liée à celle du flux et du reflux du germanisme dans les pays baltes. Fondée en 1252 par les chevaliers Porte-Glaive sous le nom de Neu-Dortmund, érigée en ville en 1254, Memel devient possession de l'évêque de Courlande ; en 1328, elle passe à l'Ordre Teutonique. Devenue de ce fait prussienne, elle le restera jusqu'au 10 Janvier 1920.

Au cours des guerres du XVII° et du XVIII° siècle, occupée par les Suédois (1629-1635) et par les Russes (1757-1762), elle devient, après la bataille d’Iéna, refuge de la cour et de la famille royale de Prusse (1807-1808). Un des principaux ports d'exportation de mâts pour la marine britannique, active place de contrebande anglaise à l'époque du blocus continental, elle n'atteignit jamais la taille d'une grande agglomération (moins de 50 000 habitants en 1939, dont 92 % d'Allemands) avant la seconde guerre mondiale.

Le territoire de Memel (2 746,7 km2) est une création de l'article 99 du Traité de Versailles (10 Janvier 1920) qui obligeait l'Empire Allemand à renoncer, au profit de l’Entente, à la partie nord-est de la province de Prusse orientale (celle située au-delà du Niémen), malgré l'opinion exprimée par la partie allemande de la population. Un grand nombre de paysans lituaniens avaient , en effet , été installés par les Chevaliers Teutoniques au XV° et au début du XVI° siècle , mais , surtout grâce à la politique de « colonisation » systématique pratiquée par les souverains prussiens du XVIII° siècle , ils s'étaient en partie germanisés , tout en conservant , fréquemment , la langue lituanienne et leur forme d'habitat originale.

Après le cessez-le-feu du 11 Novembre 1918, des milliers d'officiers et soldats français continuent leur action dans une grande partie de l’Europe. Ils sont en première ligne pour construire une nouvelle architecture politique et militaire européenne, que les gouvernants et diplomates élaborent à Versailles, Neuilly, Sèvres et Trianon, en substitution des empires allemand, austro-hongrois, russe et ottoman défunts.

Au nord de l’Europe, les militaires français participent à la Commission interalliée de contrôle dans les Pays Baltes, dirigée par l'un d'entre eux, le Général Niessel.

Le contexte régional

Avant de voir ce qui s'est passé sur le territoire de Memel, il convient de rappeler quelle était la politique française dans cette partie de l’Europe, empreinte principalement de la primauté des relations entre la France et la Pologne.

A l'époque de l'existence d'une grande Pologne du XV° au XVIII° siècle, les relations franco-polonaises furent intenses et fructueuses. Outre les affinités entre les deux peuples existaient des analogies d'ordre historique et dynastique ; mais l'intérêt géostratégique primait déjà à l'heure où les techniques de guerre prenaient une allure moderne.

Le dépeçage de la Pologne à la fin du XVIII° siècle la fit passer aux oubliettes de l'histoire et, au moment du déclenchement de la Grande Guerre, Paris ne gardait qu'un vague souvenir de son idylle avec la Pologne, remplacée par celle avec la Russie.

La guerre de 1914-1918 fut un formidable accélérateur, salutaire aux Polonais qui retrouvèrent leur patrie. L'action de la France fut déterminante dans cette reconstitution dans la mesure où son intérêt coïncidait avec celui des Polonais : d'abord simple arme contre l'Allemagne, la Pologne est apparue, après l'écroulement de la Russie, comme un élément allié indispensable à la sécurité de la France.

Nulle surprise alors , après la signature du traité de Brest-Litovsk (3 Mars 1918), de lire dans un mémorandum du Quai d'Orsay que la France préconise un retour de la Pologne dans ses frontières de 1772 , c'est-à-dire englobant la Lituanie , une partie de la Lettonie , toute la Biélorussie actuelle et une grosse partie de l'Ukraine occidentale . Le but était de former une solide barrière entre la Russie bolchevique et l’Allemagne.

En outre, le Quai d'Orsay pense qu'une nouvelle union polono-lituanienne est possible du plein gré de ces deux peuples. Cette union permettrait de régler le problème de l'accès polonais à la mer, inscrit dans le traité de Versailles, et de prolonger vers le nord la barrière permettant d'encercler les régions germaniques de Königsberg et Memel.

Une Lituanie indépendante était redoutée par Paris qui considérait les Baltes comme des germanophiles ; ce n'est que sous la pression du Président américain Wilson que Clemenceau se résigna à reconnaître ces indépendances qui formaient une « poussière d'Etats » aux frontières de l’Allemagne. Paris n'avait aucun sentiment lituanophile et considérait que la Lituanie n'était pas un état historique, mais une nation sans frontières ethniques clairement établies.

Mais revenons à la mise sous tutelle du territoire de Memel.

Le 15 Février 1920, c'est le Général français Odry qui prend en main l'administration du territoire de Memel, secondé par un haut-commissaire civil M. Petisne, aidé par une petite force armée (dont le 21ème Bataillon de Chasseurs à Pied).

Le 9 Janvier 1923, profitant de la crise internationale provoquée par l'occupation de la Ruhr, et en dépit des avertissements des services de renseignement français, une troupe de 1500 paramilitaires lituaniens pénètrent dans le territoire sans grande résistance, ni de la police locale, ni de la population allemande et appuie la formation d'un Comité de secours à la Petite Lituanie à Heydekrug. Le gouvernement lituanien affirme ne rien connaître de ce mouvement d’insurrection, mais il soutient officieusement celui-ci en le laissant agir et en lui fournissant, avec l'aide des Lituaniens d’Amérique, argent, armes et munitions.

Le 15 Janvier 1923, Memel est investie et le nouveau pouvoir contrôle l'ensemble du territoire.

Face à ces événements, la protestation française fut d'abord violente.

Poincaré exigea que le gouvernement lituanien fasse réintégrer le territoire lituanien à tous ses ressortissants. Outre l'envoi de navires, une commission extraordinaire, dirigée par le diplomate français Clinchant, fut envoyée pour rétablir l’ordre. Mais, en fait, le gouvernement français se retrouva impuissant à remettre en cause le « fait établi » ; en outre, Clinchant informa Poincaré qu'il faudrait des renforts considérables pour reprendre Memel par la force. Or, le gouvernement français n'avait pas envie de se lancer dans une nouvelle expédition en pleine opération de la Ruhr, et les gouvernements alliés se refusaient à prêter leur concours. Poincaré changea alors de tactique et annonça que les Puissances étaient prêtes à satisfaire aux aspirations lituaniennes, à condition d'accorder une autonomie au territoire, de favoriser le transit et d'organiser le transfert dans l'ordre et le calme.

Le gouvernement lituanien se montrant conciliant, les gouvernements alliés décidèrent de transférer à la Lituanie la souveraineté de Memel le 16 Février 1923.

Un statut signé le même jour, ratifié par la Société des Nations et par le gouvernement lituanien, fait du territoire une entité autonome membre de l'Etat lituanien. Le gouverneur est nommé par le gouvernement lituanien sous l'autorité duquel restent en outre placés les transports, les douanes et les postes. Le régime de cette entité est parlementaire : Landtag élu au suffrage universel devant lequel le gouvernement (Directoire) est responsable. A toutes les élections, les députés allemands furent élus en majorité. Les conflits furent aigus entre les Landtage successifs et les gouverneurs accusés par les députés allemands, non sans raison, de persécuter l'élément germanique.

Or, si le gouvernement lituanien avait vu ses revendications satisfaites, la Pologne, elle, se sentait trahie par la France. Vu l'attachement de l'opinion polonaise à la question de Vilnius, Poincaré accepta de donner une compensation à la Pologne, n'ayant plus à ménager le gouvernement de Kaunas.

Le 15 Mars 1923, s'appuyant sur l'article 87 du traité de Versailles (droit des Alliés de déterminer les frontières polonaises), la possession de Vilnius était reconnue en droit aux Polonais. A l'annonce de la nouvelle en Lituanie, l'indignation gagna l'ensemble de l'opinion publique ; le gouvernement lituanien décida de couper toutes ses relations et communications avec la Pologne. Cet état de chose allait durer 15 ans et être finalement le signe concret de l'échec complet de la politique française.

Epilogue.

Après l'admission du Reich allemand à la Société des Nations, la délégation allemande à Genève se fit souvent l'écho des récriminations de la population germanique du territoire autonome de Memel. En 1932, sur la plainte du gouvernement allemand lui-même, la Cour Internationale de La Haye condamna le gouvernement lituanien. Tous les partis politiques « allemands » se rallièrent à la position du chef nazi Neumann qui demandait le rattachement au Reich. Dans la nuit du 21 Mars 1939, le gouvernement lituanien s'inclina devant un ultimatum de Berlin.

La ville fut reprise par les Soviétiques en Octobre 1944 et rattachée à la RSS de Lituanie; elle prit alors le nom de Klaipėda.

Gilles DUTERTRE
- Membre du COLISEE
- Membre de la Coordination France – Lituanie

Une partie de ce texte est largement inspirée d'un article de Julien Gueslin, agrégé d’histoire, « Entre illusion et aveuglement : la France face à la question lituanienne (1920-1923) » paru dans les Cahiers lituaniens n° 2, Strasbourg, automne 2001.

On consultera également avec intérêt le livre d'Isabelle Chandavoine "Les Français à Klaipėda et après (1920-1932)" aux éditions Zara, Vilnius, 2003 (en vente à la Librairie Française, au rez-de-chaussée de l'Ambassade de France a Vilnius)

Source:
Texte: COLISEE comité de liaison pour la solidarité avec l'europe de l'est,

dimanche 29 février 2004, par
Gilles Dutertre, http://colisee.org/article.php?id_article=697;
Photos:
www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/00bande_jaune/actualite/memel/...

_________________________________________
informations supplémentaires:
PDF-File 3,6 MB:
Rapport adressé à la Conférence des ambassadeurs par la Commission extraordinaire de Memel

www.Ostdeutsches-Forum.net/fr


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