Tout le monde connaît les Templiers, ces chevaliers qui mêlaient religiosité et combat chevaleresque. On ne s’étendra pas sur les fantasmes et l’ésotérisme que peut aujourd’hui susciter l’histoire de cet ordre. Par contre, l’histoire de "l’Ordre de l’hôpital Sainte-Marie-des-Allemands de Jérusalem", plus connu sous le nom d’Ordre teutonique, est encore bien méconnue en France.

Né à la fin du XIIe siècle en Palestine, l’Ordre des chevaliers teutoniques arrive assez tardivement dans la géopolitique du Moyen Âge. Petit frère des Hospitaliers et des Templiers, l’Ordre teutonique est une institution semi-monastique, où les frères chevaliers mènent une vie commune qui se partage entre activités militaires et obligations de nature religieuse.

"Ordre allemand" ou "chevaliers allemands", l’historiographie française a retenu l’appellation de "chevaliers teutoniques".

Malheureusement, les chevaliers teutoniques sont encore aujourd’hui perçus comme des chevaliers impitoyables et sanguinaires, dont l’image a été bien malgré eux manipulée au profit d’un pangermanisme qui engendrera plus tard la folie du nazisme. En réalité, les chevaliers de l’Ordre teutonique méritaient de voir leur histoire intégralement rétablie avec objectivité et précision. C’est ce que proposent actuellement Danielle Buschinger et Mathieu Olivier avec leur ouvrage qui vient de paraître, Les Chevaliers teutoniques.

Respectivement professeur de langue et civilisation allemande à l’université de Picardie et agrégé d’histoire enseignant l’histoire médéviale à l’université Paris XII, les deux auteurs ont basé leur analyse sur l’histoire politique et militaire des chevaliers teutoniques : des premiers sacrifices en Terre Sainte aux reisen (expéditions militaires) sur les terres païennes de Prusse et de Livonie (actuels Pays baltes), la place politique de l’Ordre dans la chrétienté médiévale apparaît comme originale.

En effet, loin d’être un ordre soumis aux desiderata des souverains d’Europe, les chevaliers teutoniques vont progressivement se tailler un territoire indépendant en Prusse et en Livonie, une sorte d’Etat constitué de confréries avec Marienbourg comme siège du grand maître de l’Ordre.

L’autre intérêt de l’ouvrage est l’étude qu’il porte aux aperçus économiques, sociaux et religieux de l’Ordre, mais également et surtout au mythe littéraire qu’a engendré l’Ordre dans l’esprit des romanciers. Et au-delà d’une analyse poussée et générale de l’Ordre teutonique, on en apprend plus sur l’évolution ou plutôt la survivance de ses membres :

indépendants et maniant le glaive contre les "élus" de Gitlin (dieu païen des Lituaniens), les chevaliers teutoniques durent abandonner progressivement leur statut militaire pour la robe de bure et la soumission à la maison impériale des Habsbourgs. Ainsi, depuis leur création officielle en 1198 jusqu’à leur dissolution par Napoléon lui-même en 1809, les membres de l’Ordre ont perdu de leur superbe pour survivre et même s’ouvrir aux communautés féminines. C’est ainsi que les sœurs teutoniques firent aussi preuve de courage comme leurs homologues masculins en officiant comme infirmières auprès des blessés des deux guerres mondiales du XXe siècle.

Les chevaliers teutoniques, dont la tunique blanche frappée de la croix noire se confondait avec la neige des paysages de Livonie, n’existent donc plus. Mais à la différence des autres ordres militaires, excepté l’Ordre de Malte, l’Ordre teutonique vit toujours à notre époque : 90 frères et 240 soeurs teutoniques recensés en 2002 et répartis dans cinq pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Slovénie et République tchèque). La visibilité de l’Ordre est infime, mais perdure. Pourtant et comme le rappellent les auteurs, "trop souvent, la modeste réalité teutonique de ces deux derniers siècles a été oblitérée par le mythe qui s’est construit autour des Chevaliers à la croix noire."

Loin des clichés romantiques ou des légendes noires, le livre de Danielle Buschinger et de Mathieu Olivier offre une histoire complète de l’Ordre teutonique, qui pemettra au lecteur français de mieux appréhender toute la complexité de cet ordre autrefois si prestigieux et redouté.

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Danielle Buschinger et Mathieu Olivier, Les Chevaliers teutoniques, Ed. Ellipses Marketing, Paris, 2007, 570 p., 28 euros.

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