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BERLIN - Le gouvernement allemand a donné son feu vert mercredi à l'installation à Berlin d'un centre d'exposition permanent consacré au destin des millions d'Allemands expulsés d'Europe de l'Est après 1945, un projet longtemps critiqué par Varsovie et Prague. Ce centre, qui sera baptisé "Signe visible contre la fuite et l'expulsion", sera installé au centre de la capitale, non loin de la Potsdamer Platz, a précisé le gouvernement dans un communiqué. Il évoquera la mémoire des 12 à 14 millions de "Vertriebene", ces Allemands expulsés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans des conditions dramatiques, des régions d'Europe centrale et orientale où ils étaient installés souvent depuis des générations. Cependant l'exposition permanente "évoquera aussi les causes" de ces événements historiques "pendant et après la Seconde guerre mondiale", à savoir "la politique nazie expansionniste et d'extermination", a précisé le ministre de la Culture, Bernd Neumann. Le centre évoquera les expulsions en tant que "conséquences de la dictature et de la guerre", a-t-il précisé. En outre, l'exposition "ne se focalisera pas uniquement sur les expulsés allemands", mais évoquera aussi les millions de personnes d'autres nationalités, déplacées de force en Europe orientale et en Russie au cours du XXe siècle et jusqu'à aujourd'hui. La Pologne et la République tchèque se sont longtemps montrées très hostiles à ce projet, car elles craignaient que l'accent mis sur les victimes -un million d'Allemands sont morts pendant l'exode- ne fasse oublier que l'Allemagne a été responsable du déclenchement et de la majeure partie des horreurs de la Seconde guerre mondiale. En février, un accord avait cependant été trouvé entre Berlin et Varsovie sur la configuration du futur centre, qui devrait coûter 29 millions d'euros d'investissement, puis 2,4 millions par an. Berlin a cependant laissé en suspens une des questions les plus délicates, celle de l'éventuelle participation au projet de la Fédération des expulsés et de sa bouillonnante présidente Erika Steinbach, une députée conservatrice qui s'est souvent distinguée par des déclarations à l'emporte-pièces contre Varsovie. Le projet, tel qu'il a été adopté mercredi par le gouvernement, a été approuvé par les conservateurs d'Angela Merkel, traditionnellement sensibles aux revendications des expulsés, mais également par les sociaux-démocrates, qui n'y ont vu aucun "esprit revanchard". Les "Vertriebene", qui pour beaucoup étaient de fervents soutiens au régime d'Hitler, [1] ont été chassés, après la chute de l'Allemagne nazie, des régions orientales de l'ancien Reich, après que celles-ci eurent été cédées à d'autres Etats, notamment la Pologne, la République tchèque ou, dans le cas de Kaliningrad (ex-Königsberg), la Russie.
_______________________ [1] Le taux de vote pour le parti national-socialiste était élevé dans les régions est-allemandes par rapport aux provinces occidentales du Reich. Pour expliquer ce phénomène il faut tenir compte du fait que la population locale se sentait menacée par une politique agressive polonaise qui visait à annexer les régions comme la Prusse Orientale du Sud ou même la Poméranie et la Silésie. La séparation géographique de la Prusse Orientale du Reich, une des stipulations du Traité de Versailles, contribuait à cette inquiétude réelle est justifiée. Par conséquent, on soutenait les partis qui prônaient une Allemagne forte et capable de se défendre. Le fait que les réunions locales du NSDAP se déroulaient parfois en langue mazurienne, un fait choquant pour les dirigeants du régime, illustre bien qu’une partie considérable de l’électorat n’avait pas entièrement compris le fond de l’idéologie nazie.
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