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1945: l'exode allemand
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Plus de 13 millions de téléspectateurs, record d’audience
pour un téléfilm allemand en deux parties diffusé tout d’abord sur la chaîne franco-allemande
ARTE et dimanche et lundi dernier sur la première chaîne allemande. « Die Flucht
», « En fuite », retrace l’exode de ces Allemands qui fuient à partir de 1944 l’est
de l’Europe, à l’avancée de l’Armée rouge.
Près de 14 millions de personnes sont concernées
: Des Allemands qui vivaient dans des territoires de ce que le Reich hitlérien appelait
la Grande Allemagne (comme la Prusse orientale) ou dans d’autres pays d’Europe centrale,
comme la Pologne, la Roumanie ou l’ex-Tchécoslovaquie. Pendant l’hiver très rigoureux
de 1944-1945, les convois se mettent en marche vers l’ouest. Alors que les hommes
sont au front, l’heure des femmes a sonné, comme le souligne un aristocrate allemand
dans « En fuite ».
« En Fuite » raconte le destin de Lena von Mahlenberg,
propriétaire terrienne de Prusse Orientale. Pendant plusieurs mois, elle guidera
sa famille, ses amis, ses employés dans les steppes enneigées de l’est européen
en direction de la Bavière, où elle retrouvera son grand amour : un prisonnier français
qui a accompli pendant la guerre le service de travail obligatoire dans le domaine
de Mahlenberg. Le succès du téléfilm « En fuite » - sur l’un des plus gros mouvements
de réfugiés de l’Histoire - s’inscrit dans une suite de livres, de films de fictions
et de documentaires qui présentent depuis quelques années les Allemands comme criminels
certes, mais également comme victimes de la Seconde Guerre mondiale. Il faut souligner
que l’Allemagne a beaucoup travaillé sur la culpabilité nazie, a beaucoup analysé
la période hitlérienne notamment à partir des années 1960 - Mais qu’elle a longtemps
passé sous silence certaines pages douloureuses pour les Allemands également de
la période 1933-1945. Helga Hirsch est l’auteur d’un ouvrage « Schweres Gepäck »,
« un lourd fardeau », sur le combat pour la mémoire des expulsés allemands. Elle
non plus n’a pas voulu voir pendant longtemps les Allemands sous l’angle des victimes.
Sa génération, celle de la révolte estudiantine de la fin des années 60, a dénoncé
les crimes de ceux qui s’étaient soumis à la dictature hitlérienne. Mais selon Helga
Hirsch, il n’y a pas de travail de deuil sur l’Histoire réussi sans prendre en compte
les souffrances des populations.
Interview Helga Hirsch
« La génération de 1968 à laquelle j’appartiens a
thématisé la culpabilité des parents de façon abstraite et schématique. Tout était
blanc ou noir.
Dans les années 60 et 70, peu d’Allemands ont véritablement
débattu en famille de la faute des parents, parce qu’ils avaient peur de n’être
plus en mesure d’aimer leurs proches. Ce n’est qu’aujourd’hui que nous osons regarder
autour de nous et découvrir non seulement la faute allemande, les crimes commis
pendant la Guerre, mais également les souffrances de notre peuple. Il est beaucoup
plus compliqué d’accepter cette ambivalence, c’est un progrès, à mon avis. »
Le dossier des 14 millions d’expulsés allemands à
la fin de la Seconde Guerre mondiale empoisonne en tous les cas toujours les relations
entre Berlin et Varsovie. La Confédération qui les représente souhaite ériger un
centre d’exposition permanent à Berlin qui retracerait leur Histoire. Le gouvernement
allemand est pour. Le gouvernement de Varsovie s’y oppose, invoquant les cinq à
six millions de Polonais morts sous le joug allemand entre 1939 et 1945.
Carine Debrabandère
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